‘La Blouse roumaine’ de Matisse
En peignant La blouse roumaine, Henri Matisse donna à cette dernière une pérennité artistique et une reconnaissance internationale. En fait, la toile qui est aujourd’hui au Musée d’art moderne de Paris, était devenue le symbole de la roumanité et plus particulièrement de la féminité roumaine.
Mais POURQUOI une blouse roumaine ? Le choix de l’artiste était-il fortuit ? On peut se poser la question, car le peintre était plus connu pour ses modèles vêtus d’atours marocains ou parisiens, plutôt qu’en robe ethnique roumaine, ou mieux encore, pour ses modèles pas vêtus du tout… Alors, pourquoi une blouse roumaine ????
Bien que cela soit moins connu, il est vrai que le grand maître eut au moins une élève roumaine – la fascinante et patriotique artiste moldave Nina Arbore (voir plus loin). Plus tard, Nina Arbore laissa son empreinte sur la scène roumaine dans le mouvement d’avant-garde tout comme peintre de fresques monumentales, qui décorent l’intérieur de cathédrales modernes. Il est plus que probable que Nina Arbore ait porté, à plusieurs occasions, la chemise paysanne roumaine. Aurait-elle été la première ‘seductrice’, inspirant au Maître le désir de peindre un tel sujet, ou aurait-elle posé pour lui ? En tout cas, il y a des archives qui laissent à penser qu’un portrait de Nina Arbore par Matisse existerait dans la collection Shtchukin . Cela coïnciderait avec la période durant laquelle Nina était l’élève de Matisse, en 1910-1911. Le fait que le collectionneur russe Shtchukin ait pu vouloir acquérir le portrait d’une élève roumaine de Matisse peut être dû au lien très fort que la famille Arbore, de Bessarabie, avait avec les intellectuels russes en général et avec Pouchkine en particulier (voir Nina Arbore). Il est aussi vrai qu’avant la Première guerre mondiale, la Bessarabie, auparavant une province de Moldavie, faisait partie de l’empire russe (voir aussi Maria Cebotari).
Si l’on observe certaines premières toiles de Matisse, on peut y décerner l’idée d’une broderie ethnique, dans la blouse de la danseuse de 1939, Une danseuse au repos, où l’on voit une femme assise qui porte une blouse roumaine.
La même chose est vraie d’une autre toile de Matisse, Nature morte avec femme endormie, aujourd’hui dans la collection de la National Gallery of Art à Wasington DC. La personne assise est une femme qui porte une blouse brodée à longues manches, décorée dans la partie supérieure de la manche comme le sont les blouses roumaines.
Une version encore antérieure, où les verts prédominent, apparaît en 1937.
Mais comme pour toutes ses peintures, les idées de Matisse furent dans un premier temps essayées sur du papier et là encore, on peut trouver des exemples de blouses roumaines au crayon et à l’encre : l’un de ces dessins, Femme avec une blouse rêvant, est visible à la page 67 de la monographie de Volkmar Esser (Matisse – 1869-1954, Master of Colour, Taschen, Koln, 2002) et est daté de 1936. Là, les mailles fleuries abondent. C’était l’année où le Maître avait eu une commande pour le décor et les costumes d’un ballet russe.
Donc, de ces exemples et d’autres, dont de nombreux couvraient un mur entier à la galerie Maeght lors de l’exposition rétrospective de Matisse, en 1945, on peut penser sans équivoque que l’idée n’était pas neuve dans l’esprit de l’artiste. Quoi qu’il en soit, ce qui était nouveau à cette occasion, en 1940, était que la BLOUSE ROUMAINE était devenue au centre du sujet, le portant au premier plan et lui donnant une identité spécifique, nommée. Le modèle dans la version de 1940 est moins contemplatif comparé aux versions précédentes et regarde droit dans les yeux, avec une grande intensité et détermination. La toile a dû faire l’objet d’une discussion, voire même l’idée a pu en être soufflée lors de la visite d’un vieil ami, le peintre roumain Theodor Pallady (1871 – 1956), dont le portrait a été dessiné par Matisse, à Nice en 1940 . Selon la critique d’art Ioana Vlasiu , Pallady aurait même fait cadeau à son vieil ami Matisse d’une collection de blouses ethniques brodées. L’amitié entre Matisse et Pallady remontait à l’époque où ils étaient ensemble à l’Ecole des Beaux Arts de Paris (1891 – 1899) et qu’ils fréquentaient le studio du peintre symboliste Gustave Moreau (1826 – 1898). Moreau était un ami de Chasseriau dont le modèle préféré n’était autre que la tante de Pallady, la princesse roumaine Maria Cantacuzino (1820 – 1898). Maria devait épouser plus tard Puvis de Chavannes qui l’a prise comme modèle pour symboliser sainte Geneviève, dans les fresques qui décorent le Panthéon à Paris. A travers leur correspondance qui dura presque un demi-siècle, un lien étroit se tissa entre le Français Henri Matisse et le peintre roumain Theodor Pallady. Excepté leur proximité dans le style et l’attitude, les deux amis partageaient un grand nombre de points communs, parmi lesquels l’image des muses roumaines, plus en vue en France au XXeme siècle, était un sujet récurrent. Dans sa correspondance, Matisse accompagnait ses lettres de dessins et utilisait Pallady comme une oreille compatissante, parlant parfois de ses angoisses personnelles et artistiques. Au Musée national d’art abrité dans le Palais royal à Bucarest, la collection d’art contemporain possède un dessin au fusain d’une femme qui porte une blouse paysanne roumaine et une veste, signé de Matisse, dessin qui précède ses peintures à l’huile bien connues sur le même thème.
Une blouse roumaine par Picasso ? Le triangle Pallady – Matisse – Picasso
Un fait a été mis en avant lors de l’exposition rétrospective de 2002 à la Tate Moderne de Londres consacrée à Matisse et Picasso : les deux peintres empruntaient souvent l’un à l’autre des thèmes, tout en les traitant dans leur idiosyncrasie. La Blouse roumaine aurait-elle pu être l’un d’entre eux ?
Picasso ne semble pas avoir donné un tel titre à aucune des toiles qu’il a peintes. Quoi qu’il en soit la monographie d’Yves-Alain Bois révèle un travail de Picasso ostensiblement inspiré par la Blouse roumaine de Matisse. Il s’agit de La femme aux mains bleues (collection privée), peinte par Picasso en février 1947, soit seulement quatorze mois après la rétrospective Matisse de décembre 1945 à Maeght. Le traitement que Picasso fait de la blouse est plus abstrait que celui de Matisse, mais là aussi l’artiste a décoré la robe avec de riches dessins qui couvrent les manches courtes et les épaules de la blouse mais en y ajoutant un genre de coiffe typique, portée par les demoiselles vierges roumaines, dont les fichus étaient serrés derrière la nuque. Même l’idée d’une fota (tablier ou jupe folklorique roumaine) géométrique est suggérée sur la jupe que porte la femme assise. Quoi qu’il en soit, on ne doit pas se laisser entraîner trop loin par de tels parallèles. Il suffit de dire que ce thème n’était pas récurrent dans le travail de Picasso, tout comme de nombreux autres thèmes que l’artiste emprunta à Matisse. Quoi qu’il en soit, en observant plus attentivement la toile, il est évident que les zigzags et les motifs nodules qui dominent dans la robe de la femme peinte en 1947 par Picasso sont empruntés aux vingt-cinq versions de blouses roumaines de Matisse, exposées en 1945, si l’on ajoute au douze Blouses les treize versions du Rêve.
Retournons à la plus célèbre version de la Blouse roumaine de Matisse, qui est exposée au Musée d’art moderne de Paris. Elle fut peinte en 1940, durant l’une des périodes la plus sombre de la guerre que la France ait eu à vivre sous l’occupation Nazie. Matisse allait bientôt abandonner Nice, qui allait être bombardée par les avions allemands, pour la relative sécurité de l’arrière-pays, à Vence. En lisant certains passages des journaux intimes de l’artiste écrits à cette époque, on peut se rendre compte que la gaîté de la Blouse roumaine agissait comme une antidote à la guerre, qu’elle représentait une lueur d’optimisme et d’espoir. Dans ce contexte, la signification de la Blouse roumaine pris de l’ampleur comme elle devenait l’objet d’une méditation philosophique. Que dit l’artiste ?
Le rêve (1940)
De nouveau la guerre. Il y a ici un tel cafard, une angoisse générale qui vient de tout ce qui se dit et répète sur la prochaine occupation de Nice que j’en suis très affecté par contagion et mon travail est particulièrement difficile. Heureusement je viens de finir presque un tableau commencé il y a un an et que j’ai mené à l’aventure -en somme chacun de mes tableaux est une aventure. D’abord très réaliste, une belle brune dormant sur ma table de marbre au milieu de fruits, est devenue un ange qui dort sur une surface violette -le plus beau violet que j’aie vu, -ses chairs sont de rose de fleur pulpeuse et chaude -et le corsage de sa robe a été remplacé par une blouse roumaine ancienne, d’un bleu pervenche pâle très très doux, une blouse de broderie au petit point vieux rouge qui a dû appartenir à une princesse, avec une jupe d’abord vert émeraude et maintenant d’un noir de jais. Que tu es belle, ma messagère au bois dormant ! Tes yeux sont des colombes derrière leurs paupières. Et elle rêve d’un prince français prisonnier d’antan dont j’ai lu et relu les poèmes pour en faire un choix. Je me suis toujours méfié de la littérature, mais je ne l’ai pas seulement illustrée, je l’ai soigneusement, amoureusement recopiée, et l’on en trouve l’émerveillement dans mes thèmes.
(Cantique de Matisse)
Donc le grand Matisse, alors presque âgé de 70 ans, rêve d’une princesse roumaine sous les traits d’une beauté endormie, et qui apporterait le réconfort durant les temps incertains de la guerre et de la vieillesse. La scène qu’il évoque est empruntée au Paris d’avant-guerre et même à un temps encore antérieur, à la Belle époque, avant la Première guerre mondiale, période que Matisse a connue dans sa jeunesse. C’était une époque où les princesses roumaines séduisaient les Français : Matisse avait peint vingt-cinq versions de ce thème, si l’on ajoute la série Le rêve à celle de la Blouse roumaine.
La Roumanie avant la Seconde guerre mondiale et l’Occident
Il y eut des égéries roumaines qui fréquentèrent les salons parisiens. Voilà quelques-unes d’entre elles :
On pensera en premier lieu à Maria Cantacuzino (Marie Cantacuzène) dont le portrait par Théodore Chasseriau (1819 – 1856) décore le Panthéon. Elle y représente Geneviève, la sainte patronne de Paris.
Elena Vacarescu (Hélène Vacaresco), dont les poèmes d’amour furent chantés par Tino Rossi (Si tu voulais) et dont la vie amoureuse inspira le roman à succès de Pierre Loti L’Exilée. Elle donna son nom à un prix littéraire, le prix Vacaresco Femina (qui est une partie du prix Femina).
Ou la célèbre comtesse de Noailles, née princesse Bassarabe-Brancovan (Basarab-Brancoveanu), la première femme à devenir commandeur de la Légion d’honneur. Les poèmes d’Anne de Noailles reçurent le Premier prix de l’Académie française, au tournant du siècle. Son portrait fut sculpté par Rodin et peint par Zuloaga.
Ou sa cousine, la poétesse parnassienne et femme du monde Marthe Bibesco, qui inspira Marcel Proust, Cocteau, Paul Valéry et d’Annunzio et qui attira dans son entourage tous ses contemporains dont le nom comptait, avec le zèle de l’entomologiste consumé, qui épinglerait les coléoptères dans son armoire à prix.
Ou peut-être la tragédienne Marie Ventura – un pilier de la Comédie Française qui surpassa la célèbre Sarah Bernhardt et devint l’actrice inoubliable des meilleures pièces classiques de Corneille, Racine, ou Molière.
Ou encore, la fascinante Elvire Popesco (Elvira Popescu), comtesse de Foy, du théâtre du Colombier et plus tard de la Comédie Française, qui enchanta le public par son apparition dans Ma cousine de Varsovie et devint célèbre sous le sobriquet de Notre dame du théâtre. Popesco joua avec Sacha Guitry dans Le paradis perdu… Sans aucun doute, Le paradis perdu était un sujet de grande anxiété pour Matisse et le retour à la vie du souvenir de ces muses éthérées roumaines sous la forme de la Blouse roumaine était un acte de foi.
La Roumanie d’après-guerre et l’Occident
La guerre allait mettre un terme à cette liaison fertile entre la Roumanie et les cercles artistiques et littéraires parisiens, tout comme le lien naturel qui existait entre la Roumanie et l’Occident fut brisé par le rideau de fer. Alors, le pays allait vivre pendant cinquante ans les âges sombres de la censure idéologique, de l’emprisonnement et de l’extermination.
Le fossé causé par ce retrait de la scène française fut comblé, d’une certaine manière, par un certain nombre d’exilés qui refusèrent de retourner dans leur pays perdu, mais leur joie de vivre fut émoussée par les angoisses liées à leur survie immédiate. Dans de rares occasions après la guerre froide, une soprano roumaine ou une ballerine pouvaient faire leur apparition, étincelante, sur la scène française, mais à cette époque le feu et l’imagination du public avait changé et l’impact n’avait plus rien à voir avec celui d’avant la guerre ou de la Belle époque. De plus, la Roumanie n’était désormais plus porteuse d’une image d’excellence intellectuelle mais était plutôt perçue comme un pays déshumanisé, la prison de l’histoire. Là-bas, non seulement les femmes partageaient les prisons de leurs maris, frères et fils, mais elles étaient de plus condamnées, à travers leurs corps, à remplir les attentes du Démiurge en ce qui concernait la hausse de la natalité, comme lors d’expériences génétiques interminables de proportions kafkaïennes:
Un peuple entier,
Pas encore né,
Mais condamné à voir le jour,
En colonnes avant de voir le jour,
Foetus contre foetus,
Un peuple entier,
Qui ne voit pas, n’entend pas, ne comprend pas,
Mais qui avance.
A travers le corps ondulant des femmes,
A travers le sang des mères
Qu’on ne consulte pas.
(Alan Blandiana, La croisade des enfants, 1984)
La descente dans un tel cauchemar, auquel la femme roumaine sous le communisme a dû faire face sans pitié, n’était autre que celui choisi par la femme même du Démiurge, acclamée dans des vers extravagants par les poètes du jour, comme on peut le voir dans les vers de Corneliu Vadim Tudor, qui, après 1990, est devenu un dirigeant politique d’un parti et un membre du Parlement, représentant le mouvement de l’extrême-droite nationaliste, Romania Mare. Voilà ci-dessous les vers qui s’adressaient à Elena Ceausescu elle-même, cités par Gail Kligman (p.128) dans son livre The politics of duplicity – controlling reproduction in Ceausescu’s Romania (University of California Press 1998) :
Femeie creatoare – Slava Tie (Salut à toi, femme créatrice !)
Soit bénie, femme inventive !
L’amour de la nation t’enveloppe,
Erudite, personnage politique et mère en même temps.
Toi, fort modèle à émuler, de charme et de sagesse
Qui sera toujours sentie et suivie
Sois pour toujours heureuse, toi, éternel symbole
Des héroïnes roumaines que tu es devenue
Poussée de l’avant aux côtés du héros du pays
Tout au long de la grande épopée du peuple roumain !
Durant un tel leadership épique d’un personnage si bien éduqué, incarné par Elena – La femme symbole de la création, aux côtés de son mari-héros Nicolae – il n’était pas question pour aucune autre femme roumaine de se voir autoriser quelque exercice de création que ce soit, sauf en termes de reproduction.
Comme si une politique aussi inhumaine n’était pas suffisante, les Roumains sous Ceausescu souffrirent aussi de la menace constante d’être expropriés de leurs maisons, sous prétexte de la modernisation du pays, avec une vingtaine de centre-ville rasés jusqu’au sol, et l’architecture historique s’évanouissant avec eux, dans le but de faire de la place pour les blocs d’appartements de style staniliste. Les gens avaient 72 heures pour récupérer leurs affaires et déménager dans des cages à lapin. Ils abandonnaient leurs meubles et leurs animaux familiers dans les rues (d’où les chiens errants de Bucarest, qui sont devenus proverbiaux.)
Pour ajouter à ce cauchemar social, afin de rendre le peuple peureux dans une soumission totale et de voler sa mémoire et sa fierté, durant le début des années 80, Ceausescu décida que la dette extérieure, contractée pour cause d’industrialisation déraisonnable, devrait être payée, et pour cela exporta la plupart des produits agricoles. Les Roumains se retrouvèrent sans denrées alimentaires de base et des queues de plusieurs mètres se formèrent devant les coopératives d’état, des queues où l’on attendait pendant des heures dans l’espoir que quelque chose de comestible soit achetable. Il n’y avait ni viande, ni poisson, ni oeufs, ni légumes – seulement quelques pommes de terre pourries, de temps en temps, qui ne convenaient pas pour nourrir les cochons et dans un bon jour on pouvait trouver des griffes de poulet avec lesquelles ont pouvait préparer un bouillon (voir Eugenia Velescu).
Le désespoir complet lié à la faim est résumé dans une lettre ouverte envoyée par les femmes de Roumanie à Elena Ceausescu, en 1980 (voir faim, pommes de terre), lettre qui fut publiée à l’Ouest. Les Roumains, connus pour leur esprit rebelle qui les autorise à rire même quand ils souffrent, comme l’expression d’une ultime catharsis ( a face haz de nacaz) pouvaient au moins sourire amèrement lorsqu’ils entendaient les enfants bohémiens roumains chanter leur parodie d’un chant de Noël, en 1980, neuf ans avant que le tyran et sa femme ne tombent, un jour de Noël.
Durant presque un demi-siècle, l’esprit de la Blouse roumaine souffrit d’une longue période d’éclipse, mais survécut pour raconter son histoire : ce sont les voix des femmes roumaines que nous avons introduites dans cette anthologie – quelques-unes célèbres, d’autres abominables et la plupart d’entre elles avec la fraîcheur de celles qui ne savent pas qu’elles sont des héroïnes – de simples fermières qui dépérissent dans des camps en Sibérie, des femmes de pasteur qui souffrent à cause de leur croyance religieuse, des femmes effacées qui furent envoyées dans des camps de concentration pour expier les choix politiques de leurs maris, ou pour d’autres pêchés que d’avoir publié le travail de leurs femmes – des femmes qui dans le cours normal des événements auraient traversé la vie sans qu’on les remarque, mais dont les tourments sous un régime génocidaire les mit en lumière dans la conscience de leur pays, pour leur bravoure, l’expression lyrique de leur souffrance, des femmes qui luttèrent dans le maquis et qui furent enterrées sous de fausses identités, et d’autres dont le corps fut jeté dans une fosse commune, sans nom – les noms de ces héroïnes ne peuvent se compter mais leur accumulation mérite notre attention.
Après la chute de Ceausescu, l’image de la Blouse roumaine retrouva graduellement sa place, lentement, comme le réveil après un cauchemar surréaliste : est-ce que la transition existe ? Est-ce pour de vrai ? Le passé va-t-il se répéter ? Dans ce sens, une mise en garde fut émise par le porte-parole du Parlement polonais lorsqu’il déclara : « Il ne faut que quelques semaines aux Empires pour s’écrouler, mais la mentalité impérialiste a besoin de plusieurs générations avant de disparaître. »
Les blouses ethniques portées par les femmes paysannes étaient à la mode parmi les classes sociales supérieures depuis que les princesses de la famille royale roumaine ont commencé à les porter, vers le milieu du XIXeme siècle, a l’instar d’Elisabeth de Roumanie (voir Carmen Sylva) et plus tard, de la reine Marie et de ses filles.
Si l’on prend en compte le passage tumultueux de l’histoire récente, on peut se demander si les femmes roumaines vont reconquérir leur réputation étincelante, telle qu’elles l’avaient connue avant la guerre. Vue d’ici, la réponse n’est pas simple et la route tortueuse. La seule réputation qu’elles semblent avoir gagné actuellement à l’Ouest, est, tristement, une réputation de pauvreté et de désespérance, qui a poussé les statistiques sur les jeunes femmes issues de la Balkan vortex a de hauts niveaux de prostitution. Bien après la chute de Ceausescu, ses enfants qui furent un jour “condamnés a naître” sont aujourd’hui destinés à mendier pour assurer leur subsistance, à vendre leurs corps…
Cela prendra du temps avant que la Beauté endormie de la toile de Matisse ne se réveille pour enchanter une fois encore la scène mondiale.
Ce jour viendra, mais dans le même temps la princesse de la Blouse roumaine devra être vigilante à ce que le rêve devienne réalité, tout comme l’ange dépeint par le Maître, dans son journal écrit par temps de guerre.
(Extrait de l’Anthologie des femmes Roumaines, traduction du livre paru en Anglais sous le titre: ‘Blouse Roumaine – the Unsung Voices of Romanian Women’, introduced and edited by Constantin ROMAN, Centre for Romanian Studies, London, 2009.
http://www.blouseroumaine.com/orderthebook_p1.html
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